Le Témoin des Salomon - Marc de Gouvernain






Pour la première fois je reçois un livre pour en faire la critique. Que Babélio (opération Masse Critique) et les éditions Flammarion (Arthaud Poche) en soient ici remerciés.

Cela a un goût particulier que de recevoir un ouvrage, comme ça, juste pour le critiquer. Et pourtant, j'en ai envoyé des services de presse lorsque j'étais éditeur ! Mais de se retrouver de l'autre côté de la barrière, quelle qu'elle puisse être, cela surprend toujours.

Il faut d'abord dire que l'objet est magnifique.
Entendons-nous bien, on parle d'un livre de poche. Mais la couverture et la matière (le pelliculage) sont particulièrement réussis, le directeur artistique a bien fait son travail. La réalisation est soignée, i.e. il n'y a qu'une coquille dans tout l'ouvrage ce qui, à l'aune de restrictions budgétaires, de suppressions de lecture-correction et de la débandade dans le savoir-faire éditorial, est en soi une réussite. Oui, je sais, cela fait vieux con, mais franchement à l'ère des ouvrages mal maquettés, pas relus, mal fagotés, pouvoir encore s'ébaubir d'un travail bien fait est en soi une victoire contre l'entropie.
Bon j'exagère un peu. Mais quand même.

L'histoire : au début de la fin de sa vie, Francine part en quête de l'homme qui l'a quittée il y a si longtemps, mais qui n'a jamais cessé de la hanter. Depuis des décennies, elle le suit à la trace, récoltant conversations, témoignages, rencontres. Elle construit un portait impressionniste de cet absent (père de sa fille Giorgia ?), de discussions avec le père de celui-ci, avec l'Autre, Danaé, abandonnée elle aussi. Et puis, s'offre à elle l'opportunité de récupérer une malle que Frédéric a laissé dans les îles Salomon, se rapprocher encore plus près de lui. Tout quitter pour aller au bout de sa quête.


J'avais déjà lu un ouvrage de Marc de Gouvernain, S'y retrouver dans les étoiles, mais pas sa traduction des Millénium (je n'aime décidément pas les polars scandinaves). J'avais apprécié ce guide de l'espace qui porte bien son nom, permettant, à partir de repères simples, de progressivement trouver le sens du ciel.

Je ne savais pas ce que j'allais trouver dans le Témoin des SalomonJ'ai eu un peu de mal à entrer dans la peau féminine du personnage alors que l'auteur est un homme. C'est la frontière la plus difficile à traverser pour un auteur. Pourtant la plume de Gouvernain estompe rapidement les préventions que l'on peut avoir. Sa capacité à mettre au jour les vagues qui traversent les êtres et forgent les identités, ainsi que sa maîtrise dans la gestion des points des vue, réussissent habilement à nous faire partager la surprenante étrangeté du sentiment d'exister.

Le mystère irrésolu de la magnificence du monde mais aussi l'étreinte de la perte, de ce que nous avons rêvé, de ce que nous ne reverrons plus s'infiltrent à mesure que Francine se rapproche de Frédéric.
Le monde est là, nous entoure, c'est une énigme à décoder, éternellement renouvelée. On sait qu'on n'y arrivera pas et pourtant les signes apparaissent durant la vie, enregistrés, et parfois, mais seulement parfois, ils ne sont compris que bien plus tard. Ou pas.
L'obsession des nomades antiques et de l'être qui manque, l'absence des pères, un exemplaire de L'illustration, le prénom de sa fille, une baleine échouée en Provence, autant de petits cailloux que l'auteur sème pour rendre compte de l'unité d'une vie dans le hasard et l'immensité de l'univers. Faire advenir une cohérence, une cartographie intime, malgré la séparation, l'éloignement et la mort. Un plan se dessine, le sens émerge alors que l'existence semble se déliter, dans un chiasme cruel.
Le témoin des Salomon est l'incarnation, à l'aune d'une vie, de la quête in-finie du sens de l'existence, une autre tentative de S'y repérer dans les étoiles.





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Sobibor - Jean Molla

Petite Poucette - Michel Serres

Le cycle d'Hypérion - Dan Simmons