Lucy - Luc Besson




Je suis allé voir Lucy.

Tututut ! J'y vais si je veux, d'abord (je vous entends déjà penser "qu'est-ce qu'il est allé voir cette daube...").
Pour commencer je dirai qu'il n'y a rien qui m'énerve plus que le bashing.
Or le LucBessonBashing est une tradition française. Il m'est odieux, parce que la plupart du temps il transpire la détestation du bonhomme (pour qui je n'éprouve pas d'antipathie et que je trouve souvent même assez mesuré dans ses propos, jamais arrogant, bref un type parfaitement écoutable). Ainsi, les basheurs et les cinéphiles, dont je ne suis pas, auront toutes sortes de raisons pour détester ce film. Or je n'ai vu aucune de leurs raisons qui me font penser que Lucy est un mauvais film. En revanche je n'ai ni vu ni lu aucune de mes raisons qui me confirment que Lucy est un film raté (ce qui est différent d'un mauvais film).

Car c'est indéniablement un film raté.

Le premier argument lu ou entendu est que l'hypothèse du film repose sur une idée idiote (nous n'utilisons qu'une partie infime de notre cerveau, que se passerait-il si nous en utilisions tout le potentiel). Et de gloser que cette hypothèse est ridicule car en fait nous utilisons bien tout notre cerveau mais pas en même temps. Donc hypothèse idiote = mauvais film, c'est ça ? Dire cela, c'est comme ne pas aimer Superman parce qu'il vole et que ce n'est pas possible, ou Star Wars parce que les vaisseaux spatiaux ça n'existe pas. En terme de mauvaise foi, l'argument se place, non?

Parce que le cinéma fait ce qu'il veut.
Qui reprochera à Méliès de faire De la terre à la lune ? Hein ? QUI ?

Mais si le cinéma fait ce qu'il veut, il faut qu'il le fasse bien. Et c'est là où moi je ne suis plus d'accord, parce que Luc Besson, il le rate son film.

Le film repose d'abord sur une erreur de casting majeure. Il va falloir que quelqu'un dise quand même que Scarlett Johansson n'est pas une bonne actrice, en particulier dans ce film. Je ne sais pas ce qu'ils ont tous avec elle.

Enfin si, je sais.

Et que de s'extasier sur ses... et sa... sa plastique pulpeuse. Alors certes les goûts et les couleurs toussa toussa. Mais moi je dis qu'elle est juste jolie. Et encore. Ce qui en soi n'est pas un problème, tous les rôles n'ont pas à être incarnés par des canons de beauté. Ah ça je dis pas si on avait pris une Eva Green, ou une Gemma Aterton, là on avait affaire à des femmes incandescentes qui incendient la pellicule.
Parce que la Scarlett, franchement vous trouvez qu'elle dégage de l'émotion ? Pulpeuse peut-être, mais généreuse, certainement pas. Elle transporte une moue ennuyée de film en film, qui lui semble une marque de fabrique. Scarlett est caoutchouteuse. C'est bien simple, Scarlett c'est Ben Affleck au féminin.
Vous avez eu peur avec elle dans le film ? déjà pleuré avec elle dans une scène quelconque ? elle vous a déjà fait rire, vous ? Moi pas. Et puis une femme qui fait un procès à un écrivain qui utilise son nom comme une icône, n'a vraiment rien compris à l'intelligence des choses (indépendamment de la valeur du texte). Ce qui n'est pas le cas de toutes...






Meuh non je ne fais pas de fixation sur Gemma Aterton...




Bon, des erreurs de casting cela arrive à tout le monde, hein.

Le problème avec ce film c'est que c'est d'abord une reprise même pas dissimulé de Limitless paru deux (?) ans plus tôt... Même si l'on fait fi de cette référence, le problème avec Lucy (comme tant d'autres films d'ailleurs : Oblivion ou Edge of Tomorrow, par exemple) c'est qu'il reprend les trames essentielles de films précédents et des gimmicks d'autres.
L'incompréhensible fin louche éperdument du côté de 2001 l'Odyssée de l'espace, pour le cœur de l'histoire on reprend l'argument de Altered States (qui se rappelle le tout-jeune William Hurt expérimentant une régression phylogénétique grâce à des drogues et des caissons d'isolement ?).
On pose un méchant très méchant pour dramatiser le tout (celui qui tire au pistolet, moins de 24 heures après s'être fait planter deux poignards entre les métacarpes... mouimouimoui) et un lieu en dehors de l'espace et du temps : tout blanc comme dans l'espace démo de Matrix...




Le problème c'est que pour accepter des images a priori incompréhensibles il faut porter un discours esthétique à l'échelle du film. Stanley Kubrick pensait son film comme une œuvre plastique à éprouver, à traverser, qui mettait le spectateur dans un certain état de réceptivité qui lui permettait d'accepter, de synthétiser à défaut de comprendre, le stroboscope surréel dans le monolithe. Alors que pour Lucy, je défie quiconque d'avoir eu le mode d'emploi de ce qu'il se passe à la fin.

Tout ça ce n'est pas si grave parce que le film se laisse regarder comme un film oubliable, mais je maintiens qu'il a surtout manqué de nous faire éprouver les transformations que subit Lucy. Hormis un seul plan avec la circulation de sève dans un arbre, nous restons, somme toute, extérieurs à l'expérience du personnage. J'aurai voulu que Besson pousse suffisamment l'empathie, avec son art, pour que je puisse m'imaginer avec les seuls moyens du son, du montage, des effets spéciaux, de la prise de vue, ce que c'est que de voir son cerveau se déployer avec des capacités inconnues. C'est être à la place de Lucy qui m'aurait intéressé, comme je le suis de Bowman dans 2001. Or cette progression n'est finalement scandée que par l'affichage des pourcentages de mobilisation des neurones. Il nous la dit, nous l'énonce, mais ne nous la montre pas, et éprouver encore moins. Nous ne partageons pas à son expérience, un peu comme le policier décoratif et impuissant.

Et c'est là le plus dommage dans ce film qui échoue à nous faire éprouver l'évolution du personnage principal, incarné sans passion par une actrice indifférente et (des)servie par un point de vue extérieur.

On oubliera le kitch absolu d'un décor préhistorique peint, terriblement visible, et on gardera cependant une angoissante scène de dissolution dans les airs et une poursuite parisienne très réussie.

C'est maigre.


Pour prolonger le film





2001 l'odyssée de l'espace.
Le chef d'œuvre de Stanley Kubrick.











    
Altered states a sûrement très mal vieilli, mais quel choc à l'époque !











Quant au livre dont Altered States est tiré, Au delà du réel de Paddy Chayefsky, disons qu'il n'est plus lisible...

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