Transparences - Ayerdhal




Cet été, c'est l'été Ayerdhal.
J'ai beaucoup aimé cette première lecture, qui remonte à quelques mois. Transparences rassemble toutes les qualités que j'attends d'un roman.

L'histoire : Elle tue sans hésiter, réagissant à tout ce qu’elle considère comme une agression sexuelle ou une simple atteinte à sa liberté. Ses actes sont toujours spontanés, brefs et extrêmement efficaces. Elle disparaît ensuite sans laisser de trace ni souvenir précis aux éventuels témoins… Qui est Anne X, meurtrière à douze ans de ses parents et d’un couple d’amis, soupçonnée depuis lors de près d’un millier de meurtres ? Criminologue québécois installé à Lyon, où il travaille pour Interpol, Stephen va de surprise en surprise au fur et à mesure qu’il explore son dossier. D’autant que l’implacable tueuse intéresse au plus haut point les services secrets de différents pays…
Par-delà la silhouette fascinante et insaisissable d’Anne X, c’est toute notre histoire contemporaine, de l’assassinat de Kennedy aux attentats du 11 septembre, que déploie Ayerdhal dans ce thriller politique qui est aussi, tout simplement, un grand roman de notre temps.



Bon là encore une quatrième de couverture, mais pour le coup, il s'agit d'un vrai teaser réussi et surtout honnête.
Le premier chapitre est un morceau de bravoure en posant une description d'Anne X au combat et de son fascinant pouvoir.
Dans les lignes qui suivent j'explicite ce pouvoir dans mon propos et décrit une partie de la progression narrative du roman. Si vous continuez sans avoir lu l'ouvrage d'Ayerdhal, vous risquez de perdre une partie du plaisir de la découverte.


Si vous avez continué, c'est que vous avez déjà lu le roman, on est d'accord ? Bon après tout vous êtes grands, hein... Vous savez ce que vous faites, vous ne viendrez pas me reprocher de vous avoir gâché le plaisir, maintenant que je vous ai prévenu.


Anne X est un caméléon total, elle dispose du pouvoir de se rendre invisible aux yeux de tout observateur, même à quelques centimètres de lui. Ce pouvoir va jusque à brouiller les systèmes d'enregistrement optiques. Le concept est emprunté au personnage de Tem inventé par Roland C. Wagner dans Les futurs mystères de Paris, comme l'indique l'auteur.
Ayerdhal en fait un usage que je trouve finalement plus puissant, narrativement parlant que RC Wagner (du moins dans le premier tome de la série, le seul lu à ce jour). L'invisibilité est une métaphore politique. Anne X, par son pouvoir (et on le découvre à la fin de l'ouvrage) par son histoire familiale, met en danger toute la sphère du pouvoir. Celui-ci reposant sur la mise en place de systèmes panoptiques (cher à J. Bentham et décrit par Michel Foucault dans Surveiller et punir) tout individu qui a le pouvoir d'échapper à cette surveillance devient un atout majeur pour tous les Services, ou un cauchemar absolu.
On comprend progressivement pourquoi il ne pouvait en être autrement. Stephen mettra du temps à démailloter l'écheveau de la lutte à mort dont il est d'abord le spectateur, puis le pion perturbateur. La grande force du roman d'Ayerdhal, au-delà d'être un page-turner hyper-efficace, est d'articuler le très léger argument science-fictif (c'est un thriller avant tout) à une vision sociale très engagée. Ce sont les creux du regard social qui permettent à Stephen de comprendre progressivement ce qui lui arrive : Michel, son seul pote est d'abord un SDF. Michel est le seul à presque apercevoir Anne X parce qu'il est lui-même objet de l'absence de regard à son endroit. Anne X apparait ainsi comme le symptôme extrême d'une déshumanisation sociale en cours. Une déshumanisation par absence de regard humain et par trop plein de système de vidéo-surveillance.

Derrière un roman, non pas facile, mais très accessible Ayerdhal construit une critique intelligente et féroce de l'assèchement des sociétés hyper-technicisées dans lesquelles nous vivons un peu plus chaque jour.



A qui l'offrir

- aux fans de vidéosurveillance, drones et tutti quanti
- aux fans de JG Grangé qui veulent monter en gamme

Si vous avez aimé Transparences, vous aimerez peut-être...

 

Résurgences, la suite. On prend les mêmes et on recommence. Bien sûr, retrouver Stephen et Anne, quel bonheur !, mais quand même, il est un peu plus difficile d'y croire, ça sent le réchauffé, et c'est un peu en dessous de Transparences.









Les futurs mystères de Paris. La série de Roland C Wagner qui suit les aventures de Tem, le détective privé dont personne ne se rappelle. Je n'ai lu que le premier tome, une maline histoire de chambre close, qui ne m'a pas cependant donné assez envie de lire les autres (à tort peut-être)








Si le style de Dantec est plus trash, des similitudes dans les personnages et l'atmosphère.










Une réflexion sur le système panoptique, par Michel Foucault.













Enfin, le roman de Jean-Michel Truong qui pousse ces systèmes à leur extrêmes.

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