La Revue dessinée





Depuis plusieurs semaines assez peu de lectures.

Tout d'abord parce que je viens de résoudre mes problèmes de sommeil, ce dont vous vous fichez comme de ma dernière chaussette mais cela explique que j'ai encore moins de temps pour alimenter ce blog... 35 ans d'insomnies derrière soi et envolées ça se fête !
Donc plus le temps de lire, encore moins celui de chroniquer...
Le premier trimestre a également été celui de ma participation au Mooc "Comprendre le transmédia Storytelling". Mon identité publique dira que c'est une expérience passionnante (le sujet l'est, vraiment), mon for intérieur reste très dubitatif sur ce qui est annoncé par tous les prédicateurs du messianisme numérique comme l'alpha et l’oméga de la révolution numérique appliqué au monde éducatif (le concept de MOOC). Il y a beaucoup de choses à en dire, mais surtout que c'est un gouffre à temps qui a dévoré le mien durant plus de 16 semaines...

Seule en a réchappé la découverte de La Revue dessinée.

La Revue dessinée fait partie de ces nouveaux journaux à la mode : XXI (qui le premier lança la formule), France Culture Papiers, Pulp, 6 mois... des revues bi-, tri- ou semestrielles reposant sur l'idée d'un journalisme ragaillardi au reportage au long cours, par un retour à ses fondamentaux, en lutte contre la crise d'identité d'une profession soumise à une défiance généralisée. Vendues en librairie elles s'inscrivent dans la tradition éditoriale de revues telles Commentaire ou Le Débat, mais appliquée au reportage et non à l'essai ou à l'analyse socio-politique.





Le concept est d'associer un journaliste porteur de reportage et un dessinateur de bande dessinée.

Je suis arrivé à La Revue dessinée par le fil twitter de Jean-Marc Manach (@manhack, ) et son blog Bug Brother. Il y annonçait le reportage mené sur la société Amésys et la vente à la Lybie de Kadhafi d'un système de surveillance global d'internet à l'échelle d'un pays. C'est cette histoire que dénonce JM Manach depuis des années, de la mort annoncée et programmée des libertés individuelles, à petit feu et de manière implacable. C'est ce reportage que je ne pouvais manquer, mes tweets ont dû vous en convaincre.
Le reportage est passionnant, clair, incisif,
pédagogique et... ahurissant.
Chaque numéro propose ainsi plusieurs reportages au long cours ; une thématique (l'exploitation du gaz de schiste) est déclinée en reportages complémentaires les uns des autres sur les 3 premiers numéros, enfin des rubriques se retrouvent à chaque numéro (la saga de l'informatique, la sémantique c'est élastique...).
Le deuxième numéro de la revue est à ce jour le meilleur des trois parus : Les plaies de Fukushima consacré au gardien des ruines est saisissant, ainsi que celui qui traite du VRP de l'armement. Ce numéro cumule la description et l'analyse de toutes les menaces qui pèsent sur nous : destruction des libertés individuelles, catastrophe écologiques, cynisme ahurissant et débridé des vendeurs et acheteurs d'armes... Ce n'est donc pas particulièrement réjouissant, mais le numéro est à la hauteur de la grande publication que La Revue dessinée veut être.
J'ai également apprécié le dossier consacré au gaz de schiste qui est passionnant et éclaire, si besoin encore était, la catastrophe que représente son exploitation. Mention spéciale pour le reportage Marin d'eau dure (n°1) sur la vie dans un patrouilleur de la marine française entre Crozet et l'Antarctique. Reportage sur des vies rudes et des âmes sensibles. Le sujet ne m'intéresse pas a priori mais le reportage est passionnant et l'alchimie entre contenu et dessin est subtilement réalisée.

Malheureusement les reportages sont inégaux : celui de Marion Montaigne sur la vie d'un zoo n'apporte pas grand'chose, les rubriques régulières ne sont pas à la hauteur de leur ambition (de nombreuses cases sont inutiles et n'apportent rien à la narration), sauf celle consacrée à l'histoire de l'informatique, et encore. L'articulation entre contenu journalistique et illustration BD ne me semble pas toujours pertinente : je n'ai strictement rien compris à la communauté rwandaise de Bruxelles (n°1) et pas vu les apports du dessin à ce texte trop synthétique et finalement peu accessible au non connaisseur. Le premier reportage sur le gaz de schiste est un peu complexe et passe vite sur le concept de fracking pour le rendre vraiment compréhensible à l'ignorant que je suis...
Mais surtout, le site de la revue n'est pas au même niveau que l'imprimé : coquilles orthographiques majeures ("C’est photo sont un énorme coup de chance...", comment dire...) et son objectif éditorial est trop flou. On ne voit même pas une présentation par numéro avec les différents bonus pour les reportages.

Le numéro 3 m'intéresse moins par les thèmes retenus : celui sur la guerre consacrée à la mouche est passionnant mais bien trop léger pour ne serait-ce que qu'évoquer le sujet. Mais je ne l'ai pas encore complètement lu.

Bref La Revue dessinée est un concept original et une vraie bonne idée éditoriale qui mérite d'être débarrassée de quelques défauts de jeunesse pour devenir parfaitement recommandable et soutenue comme elle doit l'être.

A qui l'offrir ?

 - à tous les curieux du monde, aux fans d'informatique, aux fans de BD.


Si vous avez aimé La Revue dessinée, vous aimerez peut-être

- Les revues présentées plus haut : XXI, Pulp, France Culture Papiers...
- le blog de Jean-Marc Manach : Bug Brother

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