Le seigneur des anneaux (trilogie) - Peter Jackson


Je n'ai jamais dit que je suivrai l'actualité la plus récente.

Je viens de revoir la trilogie, version longue, de Peter Jackson. Je les avais vu avec un enthousiasme débordant il y a presque dix ans.
Ce ne sera pas une critique des livres de Tolkien, même si j'en parlerai. Ni non plus une analyse exhaustive visant à épuiser les trois films. Non, une relecture, plutôt un revisionnage.
On peut plutôt l'envisager avec la question suivante : alors que Bilbo le Hobbit est sorti à Noël sur les écrans, Le seigneur des anneaux se regarde-t-il aussi bien, 10 ans plus tard, alors que l'effervescence médiatique est retombée ?

Les points forts

Le casting est indubitablement un des points forts du film. Arrivé tardivement sur le tournage après l'éviction de Stuart Townsend jugé trop jeune (ou trop peu charismatique ?) pour le rôle, Viggo Mortensen (Aragorn) joue à fond et très honnêtement une partition un peu monolithique. Ian McKellen est pour sa part de quasiment tous les plans et campe un Gandalf très crédible.

Mais celui qui crève littéralement l'écran est un personnage secondaire qui apparait dans Les deux tours. Bernard Hill incarne le plus intensément qui soit le personnage de Théoden, le roi du Rohan. Courageux et entêté, il est littéralement hanté par la mort à laquelle il fait face à la fin des Deux tours alors que la bataille du gouffre de Helm est en passe d'être perdue. Si la poésie qui inonde les trois tomes de Tolkien m'a lassé au plus haut point, elle prend des accents homériques dans l'incarnation de l'humanité qui fait face à la barbarie alors que la mort semble être la seule issue.
Le personnage de Théoden est un des plus intéressants de l’œuvre : il porte en lui une multiplicité de caractères et d'émotions, alors que beaucoup d'autres ne sont mû que par une seule émotion ou une seule idée (bien que les personnages du Seigneur des anneaux soient bien plus riches que dans beaucoup d'autres œuvres de fantasy...). Bernard Hill offre une poignante interprétation du chagrin paternel lorsqu'il enterre son fils, peu après sa propre résurrection de l'envoutement de Saroumane.
Cette scène exprime également une des audaces narratives de Peter Jackson que l'on trouve également à la fin du deuxième tiers de La communauté de l'anneau, à la sortie des grottes de la Moria. Peter Jackson brise même un des tabous les plus forts de la représentation cinématographique de la virilité : les pleurs masculins. On ne voit jamais les hommes pleurer au cinéma, c'est même un grand silence de notre société. Le pleur masculin est proprement banni de toute représentation de la virilité. Impensable et donc invisible. Dans des films totalement virils, au sens ils s'interrogent sur le lien entre les communautés masculines, hors de tout éros, la grandeur des films de Jackson est de redonner ses lettres de noblesse à une émotion interdite aux hommes (au moins dans les représentations) : le chagrin et le sentiment de la perte face à la mort. La communauté est ravagée par le sacrifice de Gandalf face au Balrog, Théoden pleure son fils, mort avant lui.

Mais la grande force de ces trois films c'est finalement le souffle épique qui les traverse. Peter Jackson a su insuffler la grandeur de la fresque héroïque notamment à travers des batailles aux centaines de figurants et plus particulièrement dans les scènes équestres.
Et pourtant je n'aime pas les chevaux, mais PJ sais indéniablement les filmer. Toutes les scènes de chevauchées portent en elle le poids du destin des personnages. La poursuite d'Arwen par les Nazguls qui tentent de lui ravir Frodon est sublimée par un travelling aérien qui montre l'écrasement de l'elfe par le chevron des neufs spectres. J'en ai encore les poils redressés. Le fascinant numéro de Legolas qui grimpe sur un cheval en pleine course ; l'avancée mortuaire de Faramir sous l'injonction inique de son père, le discours galvanisateur de Théoden à la fin du Retour du Roi, toutes scènes équestres empreintes d'une puissance évocatrice indéniable. Peter Jackson n'est jamais aussi bon que lorsqu'il filme les chevaux, qu'on se le dise.


L'adaptation est aussi l'autre grand point fort des films. J'ai lu les livres en même temps que je regardai les films. Comment dire ? J'ai trouvé les films, quoique imparfaits, supérieurs aux livres. Je ne remets pas en cause le poids historique de la trilogie de Tolkien ni son impact sur les lecteurs (prolégomènes nécessaires avant toute lapidation par les tolkienfans). Je les trouve juste vieillis, la traduction française (quoique en cours de réécriture) étant assez lourde. Je les trouve déséquilibrés dans leur structure avec de longs passages qui me paraissent inutiles tant du point de vue de l'écologie de l'ouvrage que d'un strict point de vue littéraire... Aah ! l'ennui qui ronge avec Tom Bombaldil ou les Être de Galgals... Aah ! toutes les généalogies qui ne servent qu'à créer un effet de réel mais empêchent toute possibilité de style... Là les partis pris scénaristiques rassemblent la dramaturgie, l'essorent de tout le superflu (pas tout mais presque). Qu'on ne me fasse pas dire que l'important se limite aux scènes d'action, bien au contraire, mais là le superflu est l'immensité des digressions tolkeiniennes qui ne fascinent que les créateurs de mondes secondaires...

La musique des trois films, dans son registre joue parfaitement son rôle, et loin d'en être un spécialiste j'ai plutôt apprécié la composition d'Howard Shore. N'étant pas mélomane, je suis bien en peine de justifier cette appréciation.

Tout cela ne veut pas dire que les films sont parfaits, loin de là...

Les points faibles

Tout d'abord le casting.
Franchement, qui a casté les deux Sean (Bean et Astin) ? Le premier dans le rôle de Boromir est particulièrement mauvais dans son surjeu de l'angoisse, de la trahison et de la mauvaise conscience. Certes, il nous avait habitué à ne pas être bon dans Goldeneye et Jeux de Guerre, mais là il se surpasse (il se sauve enfin dans son interprétation de Starck dans Le Trône de fer).
Quant à Sean Astin, il a un air cul-cul la praline durant toute la trilogie, son interprétation crypto-gay du personnage n'y étant à mon avis pas pour rien. On se retient de lui crier de rouler une pelle à Frodon, qu'on en ait enfin terminé avec ça. Ce n'est pas la gay-attitude qui me gène, mais son interprétation à la truelle qui le rend imbuvable (ex-æquo pour le titre du personnage et de l'interprétation la plus insupportable avec Elisha Cuthbert, la pimbêche fille de Jack Bauer dans la saison 5 de 24 h chrono. Les avoir les deux à l'écran en même temps dans cette saison était aux limites du tenable).
Hugo Weaving est grotesque en cheveux longs tressés et j'ai du mal à ne pas voir en lui l'agent Smith de Matrix.
La prestation de Ian Holm en Bilbon n'est vraiment pas bonne... là aussi surjouée et excessive.
Dois-je parler de John Noble, insupportable intendant du Gondor, père du très mauvais Boromir évoqué plus haut ? J'ai encore des spasmes lorsque par malheur je zappe sur un épisode de Fringe où il sévit. Je m'y essaie tout juste alors que je me croyais cette série à tout jamais fermée suite au ridicule abouti de sa prestation dans Le Retour du Roi. J'en ai encore honte pour lui.

Mais surtout le gros problème est l'adaptation, s'il s'en est bien tiré en supprimant Tom Bombaldil (pas taper !), PJ ne peut faire l'impasse sur les ents dans le déroulé de l'histoire. Et on atteint le summum dans Les deux tours où il filme Merry et Pippin qui s'ennuient sur la tête de l'ent qui pérore sa poésie.
Oui, Merry et Pippin s'ennuient.
Et nous aussi.
C'est une jolie mise en abîme de son lecteur pour Jackson et Tolkien : ton personnage s'ennuie à l'écoute de ces vers, mais ton lecteur aussi... et le spectateur de PJ également... Mon dieu que c'est long...

Ensuite la musique.
Au fait, où en est le procès en plagiat intenté par Mike Oldfield à Howard Shore ?
La poursuite des Hobbits par les Nazguls dans la forêt avant le gué (La communauté de l'anneau) est directement tirée du Tubular bells (BO de l'Exorciste), idem dans Le Retour du Roi lors de l'allumage des feux de Minas Tirith ou à l'entrée de Cirith Ungul.

Les faux raccords et erreurs d'écriture.
Je ne suis pas du genre à regarder un film crayon à la main pour noter les incohérences ou les coquilles. Mais lorsqu'elles me sautent au visage elles suspendent la suspension d'incrédulité (!). En clair j'arrête d'être dans l'histoire et je redescends dans ma banquette... La plus grosse me parait être dans le premier film lorsque Gandalf discute de l'anneau et met en garde Frodon alors qu'il n'est pas encore allé se renseigner pour en connaitre la nature. Le discours qu'il tient ne peut être que s'il sait de quel anneau il parle.
Enfin la version courte du Retour du roi rend incompréhensible l'arrivée d'Aragorn avec une armée de pirates fantômes... Ça sent les ciseaux...


Conclusion
Malgré quelques défauts, l'ensemble se regarde toujours bien, mais déjà quelques effets spéciaux vieillissent mal. Déjà...

Commentaires

  1. Le morceau Tubullar Bells a été composé comme un titre en soi, PUIS un extrait a été utilisé dans le film l'Exorciste. Pas tout à fait une BO-tout-court, donc.

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  2. absolument, si je ne me trompe il ne s'agit que d'une petite scène et du générique de fin.
    Merci de ton passage

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